Par Anne-Marie Cardinal
L'équipe de direction de VITAM a rencontré trois de ses membres cliniciens-chercheurs afin de mettre en lumière leur implication dans la lutte contre la pandémie, au-delà de la recherche. La partie 2 de ce reportage souligne le travail de la docteure France Légaré et des infirmiers et infirmières au sein de l’équipe du GMF‑U de Saint-François d'Assise.
Dre France Légaré pratique la médecine familiale au Québec depuis 1990 et elle est chercheuse régulière à VITAM – Centre de recherche en santé durable. Elle est également professeure titulaire au Département de médecine familiale et de médecine d'urgence (DMFMU) de l'Université Laval et titulaire de la Chaire de recherche du Canada niveau 1 sur la décision partagée et l'application des connaissances.
C’est en toute humilité qu’elle nous reçoit dans les locaux du GMF-U de l’hôpital Saint-François d’Assise où elle pratique en tant que clinicienne au sans rendez-vous. Elle est en compagnie de son collègue M. Jean-François Mainguy, infirmier auxiliaire et de Mme Julie Trouboul, infirmière clinicienne. Elle nous présente également Dre Geneviève Desbiens, directrice et Dre Samantha Beaulieu-Truchon, responsable des activités d’érudition. L’équipe du GMF-U est composée de différents professionnels de la santé : des médecins, dont 37 résidents, des travailleuses sociales, une pharmacienne, un kinésiologue, des infirmiers et infirmières auxiliaires, des infirmières cliniciennes, des infirmières praticiennes spécialisées et du personnel administratif.
Les cliniques GMF-U (groupe de médecine de famille universitaire) font partie de l’écosystème de la recherche. En raison de leur mission, elles sont des lieux d’enseignement, de recherche, d’érudition et de transfert de connaissances, en plus d’offrir des soins.
Un engagement simple, important et bienveillant
Dre Légaré a fait beaucoup de travail clinique, notamment dans les années 1990 et 2000. Ses engagements en tant que chercheuse et professeure l’ont amenée à voyager davantage dans les dernières années. La COVID-19 ayant empêché les déplacements et les besoins cliniques étant plus importants, Dre Légaré a augmenté ses tâches cliniques au GMF-U. Il était donc un peu plus complexe de conjuguer ce volet avec la recherche et l’encadrement des étudiant(e)s gradué(e)s. Elle a tout de même accompagné 14 étudiants et étudiantes et poursuivi certains projets de recherche.
Elle ne regrette toutefois pas du tout son choix ; ce changement d’habitude a été très bénéfique pour elle. Alors que la majorité de sa vie académique et de recherche se déployait sous forme virtuelle, les engagements cliniques lui permettaient de profiter des avantages que procurent les soins en présentiel : la proximité et la confidentialité avec les patients et patientes, capter les nuances d’une conversation délicate, se calibrer à l’énergie de ses interlocuteurs ou interlocutrices.
L’engagement était donc assez simple, quoique cela ne diminue aucunement son importance et sa pertinence : offrir des soins en présentiel, même si cela impliquait de jongler avec l’inconnu et des algorithmes COVID changeants. La dynamique de travail était sans aucun doute particulière et difficile, mais aussi extrêmement collaborative.
Elle nous avoue qu’elle adore faire de la clinique, et que malgré certaines croyances, la pratique clinique et la recherche ne sont pas du tout incompatibles et elles sont même complémentaires.
Une dyade permettant l’amélioration continue
Il y a un lien évident et une complémentarité entre le milieu clinique et la recherche. Le travail sur le terrain permet de créer des connaissances, de comprendre la réalité des patient(e)s et des équipes cliniques, de cibler des aspects de la pratique à améliorer, de soulever des questions de recherche et d’apprendre continuellement. À l’inverse, le personnel de la santé qui combine des activités cliniques et de recherche peut recevoir et aussi transmettre tout un bagage de connaissances à ses collègues. De façon formelle ou informelle, la rencontre des deux milieux provoque des débats, des activités d’enseignement, de transfert de connaissances et d’érudition.
Concrètement, cela se traduit par un échange d’idées et d’opinions qui permet de stimuler les esprits des professionnels et professionnelles de la santé, notamment entre Dre Légaré et M. Mainguy sur la vaccination contre la grippe ou sur les outils d’aide à la décision pour les patient(e)s.
Cela se traduit aussi par la mise en œuvre de projets qui visent à améliorer la pratique : ceux-ci sont réalisés dans le cadre d’un comité local d’amélioration continue (CLAC). Ce comité, composé entre autres de patient(e)s partenaires, reconstitue l’expérience patient afin de la perfectionner. Sans forcément initier des projets de recherche, le CLAC est une initiative qui permet une amélioration constante des soins prodigués aux patient(e)s et de créer des connaissances à l’interne afin de régler une problématique.
Selon Dre Légaré, le contexte n’a pas freiné l’innovation : « Pendant la pandémie, le GMF-U a été un milieu qui s’est mobilisé, un milieu dans lequel il y a eu beaucoup de tâches d’enseignement, mais aussi plusieurs initiatives d’érudition et de recherche. Il y a eu également les caucus [des rencontres entre le personnel d’un corps de métier adressant et corrigeant des problématiques rencontrées] et le CLAC qui sont les cousins germains de la recherche ».
Dans la communauté de recherche règne une certaine culture dans laquelle la réalité sur le terrain clinique est parfois méconnue. À l’inverse, pour les équipes strictement cliniques, la vocation d’un chercheur ou d’une chercheuse peut sembler bien mystérieuse. Qu’est-ce que ça fait dans la vie, un(e) chercheur(euse), qu’est-ce que ça mange en hiver? Et la réponse à cette question, c’est qu’un(e) chercheur(euse) mange du chocolat comme tout le monde!
Il n’y a pas de doute sur ce point : la dynamique entre scientifiques et personnel de la santé permet de démystifier le monde de la recherche.
Voir le côté positif
Certains auraient pu croire qu’à cause de la pandémie, les soins seraient limités à leur plus simple expression et que la cohésion entre collègues serait fragilisée. Sans minimiser les difficultés rencontrées, notamment les changements d’algorithmes, le port des équipements de protection individuelle et le manque de personnel, la mobilisation des équipes a persisté : « Même en contexte de COVID-19, non seulement des soins sont dispensés, mais le personnel fait encore le travail nécessaire pour améliorer la pratique et a continué à se préoccuper de l’amélioration des soins », explique Dre Légaré.
Comme les contacts sociaux se faisaient plus rares à certains moments, la clinique en présentiel a permis d’entretenir la relation de proximité entre les praticien(ne)s ou et les patient(e)s : « Ils ont besoin de soutien. Quand tu es en présentiel, même si tu portes le masque, ça donne toutes les nuances qui sont nécessaires pour entrer en relation avec le patient ».
La motivation au quotidien provient du soutien offert par l’équipe, car chacun des membres de celle-ci veille les uns aux autres : « Ça te donne la motivation de te lever le matin, de savoir que tu ne seras pas seul s’il y a un pépin », nous confie Dre Légaré.
La motivation provient également de l’opportunité d’améliorer le sort des patients et patientes. « Déjà au départ, si tu travailles en santé, c’est parce que tu t’attends à améliorer les choses. En travaillant en santé, on ne travaille pas avec des gens qui sont en santé ; on travaille avec des gens qui sont malades ou potentiellement malades. De savoir que tu peux améliorer le bien-être des patients est une motivation en soi », nous partage M. Mainguy.
Mme Trouboul, infirmière clinicienne, nous explique que la pandémie a par ailleurs exacerbé certaines difficultés déjà présentes sur le terrain. Elle a aussi bousculé certaines habitudes, forcé une réorganisation des tâches pour s’adapter au manque de personnel, une partie de celui-ci ayant été délesté. Après bientôt deux années de chamboulements, c’est l’occasion idéale de réfléchir sur la pratique, de mettre les compteurs à zéro et de faire encore mieux qu’avant.
Dre Légaré nous a invitées à la clinique afin que l’on puisse prendre le pouls des lieux, que l’on se laisse inspirer par les professionnels et professionnelles que nous allions rencontrer pour traduire en mots l’ambiance qui règne au GMF-U malgré la recrudescence imminente des effets de la pandémie. Cette visite nous a effectivement permis d’être témoins de la cohésion et la synergie de l’équipe présente ce soir-là, d’une complicité hors pair entre la Dre Légaré et M. Mainguy (et même de l’admiration qu’ils ont l’un pour l’autre) ainsi que de ressentir la sincère volonté d’améliorer l’expérience du patient à la clinique.
Derrière cette chercheuse que nous connaissons tous se cache une clinicienne humble, drôle et, on l’aura compris, amoureuse du chocolat!
Consultez la partie 1 : Entrevue avec le Dr Slim Haddad
Consultez la partie 3 : Entrevue avec le docteur Patrick Archambault
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