Par Anne-Marie Cardinal


 

L'équipe de direction de VITAM a rencontré trois de ses membres cliniciens-chercheurs afin de mettre en lumière leur implication dans la lutte contre la pandémie, au-delà de la recherche. La partie 3 de ce reportage souligne le travail du docteur Patrick Archambault, intensiviste et urgentologue à l’Hôtel-Dieu de Lévis.

 

Docteur Patrick Archambault travaille comme urgentologue, intensiviste et chercheur-clinicien au sein du Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) Chaudière-Appalaches (Hôtel-Dieu de Lévis). Il est également chercheur régulier à VITAM – Centre de recherche en santé durable et chercheur boursier du FRQS. Il porte aussi le chapeau de directeur scientifique de PULSAR, une plateforme de recherche en santé durable.

 

Donner un sens à la profession de clinicien

Les médecins intensivistes et urgentologues ont reçu la formation adéquate pour faire face à des désastres naturels ou bien à des pandémies. Ils sont préparés à de telles éventualités, à l’arrivée massive de patient(e)s et à l’administration des soins à ces derniers dans ces conditions particulières. Selon le Dr Archambault, la mise en œuvre de ces connaissances au cours des derniers mois a permis aux médecins de mettre à profit toute la formation acquise pour le bénéfice de la population et de la communauté. Le défi était énorme, voire palpitant d’un point de vue professionnel.

Cependant, d’un point de vue humain, la pandémie a occasionné et occasionne toujours des situations déchirantes ainsi qu’un niveau de stress et d’isolement sans égal. Le rôle de soignant(e) a été chamboulé et a pris une dimension encore plus humaine, car les médecins peuvent parfois jouer le rôle d’un(e) proche aidant(e) pour les patient(e)s en état critique qui ne peuvent recevoir leurs proches à l’hôpital en raison des mesures sanitaires. Accompagner un(e) patient(e) alors qu’il ou elle dit au revoir à ses proches par vidéoconférence est bouleversant, autant à titre de clinicien qu’à titre d’individu.

En tant que médecin, c’est certainement le désir fondamental d’aider les autres et d’avoir le cœur débordant d’empathie et de compassion qui donnent la motivation d’avancer. Les grands-parents du Dr Archambault lui ont inculqué ces valeurs d’altruisme et de générosité : « J’ai l’impression que je poursuis leur travail, que je donne un sens à leur vie. Ils m’ont donné la vie et ils m’ont donné des valeurs que je veux également transmettre à mes enfants ». Il incarne ces valeurs à travers sa profession, et celles-ci sont essentielles pour trouver la force d’affronter cette pandémie.

Cette menace biologique qui dépasse les frontières nous unit plus que jamais en tant qu’êtres humains et en tant que société : « Nous sommes liés par notre désir de s’entraider, et c’est ce qui donne un sens à ce que je fais, tant du point de vue d’un clinicien que d’un chercheur », nous confie le Dr Archambault.

 

Un nouveau sens à la profession de chercheur

La pandémie a suscité de nombreuses questions de recherche, entre autres sur la façon de traiter adéquatement les patients dans un état critique : « L’urgence de devoir produire des données et des connaissances pour faire face à la pandémie a donné un nouveau sens à ce que je fais en tant que chercheur. J’étais à la fois un clinicien qui soignait des patients atteints de la maladie, et un chercheur qui désirait participer à la création de nouvelles connaissances, ce qui devenait d’autant plus urgent que les soins que je pouvais administrer. J’avais besoin de ces nouvelles connaissances pour savoir comment bien les traiter [les patient(e)s]. La recherche a pris un sens complètement nouveau », dévoile le Dr Archambault.

Ses engagements en tant que médecin et chercheur sont fortement liés : « C’est évident que les questions de recherche que je me pose sont alimentées par ma pratique clinique. À l’inverse, ma pratique clinique est améliorée par les résultats produits par mes projets de recherche et par la veille scientifique que j’effectue sur les découvertes et actualités à l’échelle internationale ».

Il y a une complémentarité évidente entre la recherche et la clinique qui pourrait même être optimisée en formant davantage de cliniciens à supporter la recherche : « Je pense que nous devrions outiller davantage de cliniciens avec des compétences de recherche. Comme clinicien, nous devrions devenir des agents de recherche, des agents de transformation et produire des données que nous pourrions réutiliser pour la recherche ».

Cette proximité entre la recherche et la clinique pourrait également être renforcée par des systèmes informatiques qui permettraient de capter naturellement et de façon fluide des données. Celles-ci seraient ensuite étudiées afin de générer des réponses à des questions essentielles pour la suite de cette pandémie.

 

Des bénéfices transfrontaliers

La pandémie est une opportunité de combiner encore plus efficacement les deux pratiques, notamment en mettant en place un système intégré et sophistiqué de circulation des données qui respecterait la vie privée des patient(e)s tout en générant des réponses pour le bien-être de la communauté. Il s’agit d’une occasion d’apprentissage et de collaboration à l’échelle provinciale, canadienne, et même internationale.

Le contexte pandémique a d’ailleurs permis d’entretenir cette collaboration sans frontière et ce sentiment de solidarité dans le monde de la recherche : « Le positif dans la pandémie, c’est le côté humain : c’est d’apprendre à travailler avec de nouvelles personnes et de nouveaux collègues; de développer un réseau de connaissances et de chercheurs; de nous rapprocher même si nous avons été plus espacés ou isolés; de développer des réseaux de recherche qui seront mobilisés pour les prochaines grandes questions de la science », nous explique le Dr Archambault.

La place de la science dans la société a été valorisée depuis le début de la pandémie. Elle a aussi permis une production rapide et très importante de données : « Je pense que nous n’avons jamais vu autant de nouvelles connaissances produites en si peu de temps dans les dernières 2 années. En termes de productivité scientifique, c'est sans précédent », nous explique le Dr Archambault.

 

Le fruit d’un précieux travail collaboratif

Cette accélération des besoins en clinique et en recherche rend toutefois plus ardue la conciliation entre la vie professionnelle, personnelle et familiale pour les professionnels de la santé : « Notre entourage en a beaucoup souffert. C’est triste de devoir faire ces choix. Nous tentons de conserver un certain équilibre malgré tout ».

Cet équilibre, aussi fragile soit-il, est possible grâce à une équipe solide. La liste d’individus à remercier pour leur contribution est longue, mais nécessaire : « Il faut absolument que je remercie ma famille, mes enfants, ma conjointe, mes parents; les acteurs au sein de mon équipe de recherche; les coordonnateurs et coordonnatrices de recherche qui travaillent d’arrache-pied et sans qui on ne pourrait pas avancer; les étudiants qui s’intéressent à la science et les étudiants gradués; les étudiants en médecine; les résidents qui passent des heures et des heures à corriger les données, à nous mettre au défi et à nous stimuler avec des questions, à vouloir apprendre. Ils sont le moteur de l'activité en recherche. Ils sont aussi le futur de la recherche ».

À cette liste s’ajoute les décideurs, avec qui le travail collaboratif permet de répondre à des questions importantes et de prendre des décisions cruciales.

Un remerciement particulier est adressé aux collègues cliniciens du Dr Archambault qui lui permettent de partager son temps entre la recherche et la clinique : « C’est pour eux que je travaille comme chercheur ».

Finalement et fondamentalement, les patient(e)s et les citoyen(ne)s contribuent à la production de connaissances. Sans leur participation active à la recherche, sans leur consentement à y participer, la communauté scientifique serait incapable de générer les données qui permettent d’améliorer les soins. C’est toute une équipe qui contribue à produire la science.

 

Un objectif collectif de santé durable possible grâce à la science

Pour le Dr Archambault, la science est le fruit d’un travail créatif : « C’est ce qui m’anime beaucoup en recherche, soit la créativité de pouvoir inventer de nouvelles choses, de les tester et de prouver qu’elles sont efficaces – ou pas – et de passer à la prochaine étape ».

Même dans les moments les plus difficiles, elle est une source d’apprentissage : « Je suis un éternel optimiste, ça m’arrive d’être découragé, mais mon côté sportif me dit que malgré les défaites, nous gagnons en expérience, nous apprenons, et nous serons toujours en mesure de réutiliser les expériences négatives de notre vie pour faire encore mieux la prochaine fois ».

La science est donc un moyen indispensable pour atteindre éventuellement cet objectif collectif de vaincre la pandémie. Selon le Dr Archambault, pour y arriver, la société doit apprendre à faire confiance à la science car elle « nous permet d’imaginer un futur meilleur, un futur durable ». Il faut également promouvoir les saines habitudes de vie, s’éduquer sur celles-ci et les adopter, tout simplement parce que nous avons le pouvoir de le faire. Nous avons aussi le pouvoir de prendre soin de notre planète, notamment pour faire face aux changements climatiques : « C’est un maelström de problèmes qui arrivent tous en même temps. En tant qu’individus, nous avons des choix à faire pour améliorer non seulement notre santé individuelle, mais celle de la société et celle de notre planète ».

 

 

Dr Archambault est un éternel optimiste qui rêve d’individus en santé; d’un système de santé et d’un milieu de la recherche toujours plus efficients et collaboratifs; ainsi que d’une planète en santé. Il rêve de santé durable… et nous aussi!

 

Consultez la partie 1 : Entrevue avec le Dr Slim Haddad

Consultez la partie 2 : Entrevue avec la docteure France Légaré

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